Monsieur le Président, Mesdames les Conseillères, Messieurs les Conseillers,
Ce soir, nous devons nous prononcer sur un préavis au titre trompeur: « Mise en place d’installations de vidéoprotection et mesures pour traiter les incivilités et le sentiment d’insécurité ».
Or, en lisant ce préavis, nous nous rendons rapidement compte qu’il s’agit en réalité de nous prononcer sur l’installation de 47 caméras de surveillance aux abords du collège des Noutes, du collège de Chisaz et de la salle de spectacle, du collège du Marcolet et du parking, et du collège de la Carrière, et ce pour un montant de 220’000.-.
Ainsi, le titre de ce préavis aurait du être: « mise en place de caméras de vidéosurveillance pour certains bâtiments du patrimoine administratif communal ». Cela aurait été plus correct…
Mais, apparemment la Municipalité avait besoin d’enrober et d’enjoliver cette demande précise concernant les caméras par tout un discours sur d’autres mesures prises pour lutter contre les incivilités et le sentiment d’insécurité.
Or, au final seules des caméras sont prévues concrètement comme solution supplémentaire par ce préavis…
Des caméras pour lutter contre le sentiment d’insécurité et contre les incivilités…
Est-ce efficace? Est-ce possible de lutter contre un sentiment d’insécurité et de quelle manière? Le sentiment d’insécurité de qui précisément?
Ces questions sont essentielles! Le sentiment d’insécurité n’est pas une notion objective et simple à définir. Il n’y a pas lieu de prendre à la légère cette problématique, que le sentiment d’insécurité soit justifié ou non. Certaines personnes ont effectivement peur de sortir, d’emprunter certains chemins ou de fréquenter certains lieux à certaines heures; d’autres personnes ne ressente pas cette crainte. Il s’agit, comme pour toute émotion, d’un sentiment éminament personnel. Il ne faut donc pas faire des généralités.
Mais celles et ceux qui modifient leurs habitudes ou leurs décisions en fonction d’un sentiment d’insécurité, et qui voient ainsi leur liberté personnelle de se déplacer restreinte, ont le droit d’obtenir des vraies réponses politiques efficaces et légitimes.
En ce qui concerne les incivilités, il est vrai que ces comportements ne sont pas acceptables. Jeter des détritus par terre, casser des vitres, faire trop de bruit à des heures tardives ne sont pas des attitudes à cautionner. Mais là encore, les habitantes et les habitants de notre commune méritent des solutions efficaces et légitimes.
L’installation de caméras de vidéosurveillance ne fait pas partie de ces solutions. Ces caméras ne résoudront absolument pas la problématique du sentiment d’insécurité, ni celle des incivilités.
En effet, les caméras de surveillance, d’un côté, si elles ont un effet sur les lieux ouverts surveillés, ne feront que déplacer les incivilités sur d’autres sites de la commune (bâtiments privés et autres bâtiments communaux).
Aussi, le vandalisme et autres incivilités continueront à avoir lieu, mais à d’autres endroits; ce qui n’apaisera aucunement le sentiment d’insécurité des personnes déjà inquiètes et troublera encore davantages de gens.
De l’aute côté, si les incivilités perdurent même là où il y a des caméras de surveillance parce que les auteurs de vandalisme déjoueraient le système (habits noirs; cagoule, etc), ou parce que certains auteurs ne sont pas rationnels; la mesure se sera aussi révélée inefficace au niveau préventif.
Comme l’a indiqué Madame Emilie Flamand dans un débat concernant la vidéosurveillance: « les citoyens ne paient pas des impôts pour qu’on retrouve la personne qui leur a arraché leur sac, mais pour qu’on ne leur arrache pas leur sac ».
La vidéosurveillance est contraire aux libertés fondamentales, à la liberté individuelle que les partis libéraux défendent avec tant d’ardeur! Il est aujourd’hui incompréhensible que ce système électronique pourfendeur des libertés individuelles soit tant loués par les partis censés garantir et défendre ces mêmes libertés.
La vidéosurveillance est en réalité un aveu de faiblesse et d’impuissance.
Elle révèle la démission des décideurs politiques, leur manque de courage et leur volonté de laisser la population à la seule surveillance électronique de dizaine de caméra à la place du contact humain qui est essentiel et primordial.
Les véritables réponses politiques aux problèmes actuels de sécurité ne peuvent être données que grâce à une vraie politique de sécurité, de proximité et une politique sociale: privilégier une présence humaine sur le terain par le biais de travailleurs sociaux et d’agents de police; favoriser le lien social entre générations et entre citoyens; agir au niveau préventif (sensibilisation de publics cibles quant à la problématique du littering, des nuisances sonores); création d’espaces pour les jeunes leur permettant d’avoir des occupations et un lieu de rencontre.
C’est pourquoi, d’autres mesures, en lieu et place de ce préavis, sont possibles pour mettre en oeuvre une véritable politique de sécurité de proximité, en augmentant la dotation des postes de travailleurs sociaux sur le terrain, en initiant des projets de quartier participatif favorisant le lien social, en soutenant des campagnes de préventions pour combattre les incivilités, et en étudiant la possibilité de créer des espaces pour les jeunes; ceci pour agir concrètement aux attentes des habitantes et des habitants, avec des outils efficaces et légitimes.
Ces mesures ont certes un coût important mais elles permettent de traiter, en amont, sur le long terme et en profondeur les problèmes concernant la sécurité.
Certaines de ces mesures sont brièvement évoquées dans le préavis, mais au final, rien n’est prévu à part des caméras…
Les caméras de surveillance ne sont qu’un emplâtre sur une jambe de bois, comme le démontre l’expérience de la Grande-Bretagne, pays qui compte le plus de caméras au monde, mais qui n’a connu aucune amélioration de la sécurité.
En examinant la liste des sinistre fournie par l’administration communale et annexée au rapport de M. THEVOZ, nous pouvons constater que 5% des cas sont des dégâts naturels (gel et dégâts d’eau) et que plusieurs cas sont aussi dûs à la malfaçon, cas qui n’ont rien à voir avec des incivilités ou du vandalisme. Il y a donc entre 70 et 75 cas réels d’incivilités, enregistrés au total sur 4 ans à Crissier, soit en moyenne environ 1,5 cas par mois.
63% des cas sont des bris de glace, environ 21% sont d’autres dommages à la propriété publique, et environ 11% sont des cas de vol ou tentative de vol sur des bâtiments publics.
Il est important de relever que les dégâts documentés d’environ 200’000.- sur quatre ans ont été remboursés à hauteur de 148’000.- par les assurances, de sorte qu’il en a résulté un coût pour la commune d’envion 13’000.- par année, étant précisé que les primes d’assurance doivent dans tous les cas être payées, qu’il y ait sinistre ou pas, et que le paiement de la franchise est déjà pris en compte dans les montants susmentionnés.
Il est également utile de mettre ce coût (13’000.- par an) en rapport avec celui des caméras qui ont une durée de vie d’environ 6 à 8 ans, soit un investissement d’environ 30’000.- par année (220’000.- sur 6 à 8 ans) et des charges de fonctionnement supplémentaire de 5’000.- pour l’entretien, soit au total 35’000.-. La Commune va donc dépenser 35’000.- par année en vidéosurveillance pour essayer d’économiser, sans aucune garantie 13’000.- par année de coûts engendrés par les sinistres… Cherchez l’erreur…
Même en tenant compte d’éventuels coûts liés à la problématique des graffitis qui n’ont pas été détaillés et du travail de l’administration en nature qui n’a pas été chiffré, il y a fort à parier que le coût des caméras restent supérieurs aux frais actuels.
Ce qui est particulièrement intéressant est la situation du Collège de la Carrière où des caméras sont installés depuis plusieurs années. En lisant la liste des sinistres intervenus dans la Commune depuis 2009, nous pouvons constater que près de 18% des cas ont eu lieu au Collège de la Carrière bien qu’il soit surveillé, soit moins qu’aux abords de Chisaz (25% des cas) mais autant qu’au Collège de Marcolet (18% des cas), et plus qu’au Collège des Noutes (8% des cas), lieux où il n’y a pas de caméras actuellement.
Il apparaît donc que les caméras au Collège de la Carrière ne sont pas efficaces, puisqu’il y a toujours des sinistres qui se produisent! Aucun motif ne permet de croire qu’il en ira autrement pour les autres sites!
Ainsi, la Municipalité nous propose de dépenser 220’000.- pour des caméras dont l’utilité n’est pas démontrée, voire dont l’inefficacité est prouvée au Collège de la Carrière, 220’000.- pour des caméras qui ne règleront pas du tout la problématique du sentiment d’insécurité, 220’000.- pour des caméras qui au mieux déplaceront les problèmes ailleurs dans d’autres quartiers de notre Commune, 220’000.- pour des caméras qui engendreront des coûts supérieurs à ceux qu’elles sont censées permettre d’économiser.
En résumé, ce préavis nous popose d’acquérir des équipements électroniques liberticides, au coût d’installation énorme pour un résultat non garanti voire inefficace et qui n’auront aucun impact sur le sentiment d’insécurité de certaines des habitantes et certains des habitants de notre Commune.
Voter en faveur de ce préavis reviendrait à se rendre complice de l’instauration de restrictions injustifiées à la liberté individuelle, à jeter l’argent du contribuable par la fenêtre et à cautionner l’abandon du terrain par les autorités politiques.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Parti Socialiste vous invite à refuser les conclusions du rapport et à refuser le préavis n° 42/2011-2016.
David Metzger